Comme son nom l’indique, le délai de mise en jeu de la garantie décennale, prévu par l’article 1792-4-1 du Code civil, est de 10 ans. Ce délai, élément essentiel du régime de responsabilité décennale, est un délai de prescription et non un délai de procédure.
Il ne s’agit donc pas d’une condition de recevabilité et, pour cette raison, il n’est pas d’ordre public (CE, 14 mars 1969, n° 70601, Commune de Voutezac) pour le juge qui ne peut soulever d’office l’expiration du délai de garantie si les constructeurs ne l’invoquent pas (CE, 21 avr. 2000, n° 190598, Commune de Guilers, RDI 2000, p. 337).
Le délai décennal présente, d’abord, le caractère d’un délai d’épreuve, en ce sens que les désordres affectant l’ouvrage doivent être constatés avant l’expiration du délai. Les malfaçons, apparues après l’expiration de ce délai, ne sont plus couvertes par la garantie décennale. À cet égard, si le vice n’est pas connu dans toute son étendue, avant la réception, mais qu’il était, pour partie, apparent, le juge considère que le maître de l’ouvrage ne pouvait ignorer qu’il s’étendrait (CE, 30 juill. 2003, n° 230738, Entreprise Floryd : système d’irrigation défectueux ; CE, 25 avr. 1979, n° 10986, CU de Lyon : échangeur d’une piscine tombé en panne deux ans après la réception).
Le délai décennal constitue également un délai d’action, qui est celui dont dispose le maître d’ouvrage pour saisir le juge. Si l’action contentieuse n’a pas été engagée devant le tribunal administratif avant l’expiration du délai, la créance du maître de l’ouvrage se trouve, en principe, prescrite.
En premier lieu, parce qu’il ne s’agit pas d’un délai de procédure, les règles relatives à la computation des délais de la procédure administrative contentieuse ne s’appliquent pas au délai de la garantie décennale : n’étant pas un délai franc, il est calculé de date à date, sans tenir compte du jour de la réception des travaux (CE, 10 avr. 1970, n° 77279, Ville de Bordeaux, Rec. 244).
Citons une décision topique : « Considérant que la société SPIE Batignolles soutient que le délai de garantie ayant commencé à courir dès le jour de la réception, ce jour serait compris dans le délai décennal qui serait venu à expiration 10 années après, c’est-à-dire le 1er mars 1983 à minuit, et que la demande du 2 mars aurait été présentée après expiration du délai de la garantie décennale ; que ce délai n’est ni un délai franc ni un délai de procédure au sens de l’article 642 du nouveau Code de procédure civile ; qu’il se compte de date à date ; qu’ainsi le conseil du contentieux administratif a à juste titre estimé que les conclusions de la requête enregistrée le 2 mars 1983 en tant qu’elles concernent le deuxième dock, dont la réception a été prononcée le 2 mars 1973, n’étaient pas présentées après expiration du délai de garantie » (CE, 10 févr. 1993, n° 84881, Société SPIE Batignolles).
Parce qu’il n’est pas un délai de procédure, le délai de garantie décennale ne peut être prorogé jusqu’au premier jour ouvrable s’il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié (CE, 17 juin 1983, n° 30458, Ville de Beauvais, Rec. 266).
En deuxième lieu, l’expiration du délai ne peut être opposée par le juge au maître de l’ouvrage qu’à l’égard du seul constructeur qui l’a invoquée. Mais elle peut être invoquée pour la première fois en appel (CE, 5 nov. 1965, Ministre de la Construction c/ Sieur Ducassou, Rec. 589).
In fine, l’expiration dudit délai n’est pas une cause d’irrecevabilité mais de rejet au fond de la demande contentieuse, la garantie décennale ne pouvant être mise en jeu.